IV
« BONJOUR, monsieur Poirot, dit Lydia. Tressilian m'a dit que je vous trouverais ici avec Harry, mais je me félicite de vous voir seul. Je sais que mon mari désire vivement un entretien avec vous.
— Ah ! Voulez-vous que j'aille le voir maintenant ?
— Non, pas tout de suite. Il a passé une très mauvaise nuit. Ce matin, je lui ai donné un narcotique et il dort encore. Mieux vaut ne pas le réveiller.
— Vous avez raison, madame. J'ai constaté hier soir que la mort de son père l'avait terriblement bouleversé.
— Sachez, monsieur Poirot, qu'il en a été bien plus affecté que les autres, dit Lydia d'une voix grave.
— Je sais.
— Vous et le chef de police soupçonnez-vous qui a commis ce meurtre ?
— Madame, nous savons plutôt ceux qui ne l'ont pas commis. »
Impatiente, Lydia s'écria :
« Quel cauchemar ! Je ne puis croire que tout cela est arrivé. »
Elle ajouta :
« À propos, Horbury était-il réellement au cinéma, comme il le disait ?
— Oui, madame. On a contrôlé sa déposition. Il n'a dit que la vérité. »
Lydia arracha une branche de buis, d'un geste nerveux. Son visage pâlit et elle prononça d'une voix basse :
« C'est affreux ! Il ne reste donc… que la famille !
— Parfaitement.
— Monsieur Poirot, je ne puis y croire !
— Si, madame, vous le croyez. »
Elle allait protester, puis soudain, elle sourit, tristement :
« Oui, en ce moment, je fais l'hypocrite !
— Si vous exprimiez franchement votre pensée, madame, lui dit Poirot, vous admettriez qu'il vous semble tout naturel qu'un membre de la famille ait tué votre beau-père.
— Voilà une déclaration bien fantastique, monsieur Poirot !
— Peut-être. Mais votre beau-père n'était-il pas un personnage plutôt fantasque ?
— Le pauvre homme ! soupira Lydia. J'ai pitié de lui maintenant qu'il est mort et, lorsqu'il était vivant, il m'exaspérait au plus haut point.
— Je le conçois volontiers ! » fit Poirot.
Il se pencha vers un des bassins de pierre.
« Ces jardinets me plaisent énormément. C'est très ingénieux.
— Je suis enchantée de savoir que vous les aimez. Le jardinage est ma distraction favorite. Que dites-vous de ce paysage arctique avec des pingouins ?
— Charmant ! Et que représente ceci ?
— C'est la mer Morte… mais elle n'est pas encore terminée. Il ne faut pas la regarder. Ici, c'est Piana, dans l'île de Corse. Dans ce pays, les rochers sont roses au bord de l'eau bleue. Cette scène du désert est bien amusante, n'est-ce pas ? »
Elle fit admirer à Poirot, l'un après l'autre, ses jardins miniatures. Cette visite terminée, elle consulta sa montre.
« À présent, je rentre voir si Alfred est éveillé », annonça-t-elle.
Lorsque Lydia eut disparu dans la maison, Poirot retourna vers le bassin représentant la mer Morte, et l'étudia avec une grande curiosité. Alors, il se baissa, prit une poignée de petits cailloux noirs entre ses doigts.
Brusquement, il changea de visage et examina les pierres de très près.
« Sapristi ! s'exclama-t-il. En voilà une surprise ! Qu'est-ce que cela veut dire, au juste ? »